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Lundi 25 juillet – 19 heures
Marianne quitta son banc. Puis la gare. Elle fit sa halte à la terrasse du café. Le ciel s’était voilé. Cette nuit, il pleuvrait.
Une heure plus tard, elle reprenait le chemin de l’auberge. Musardant un peu sur le bord des routes. Elle n’était pas pressée. Prenait le temps d’admirer chaque chose. Ce que beaucoup ne voyaient plus depuis si longtemps. Jamais blasée, Marianne.
En passant à l’accueil, elle adressa un grand sourire au patron puis commanda son plateau repas. S’offrit ce qu’il y avait de meilleur. Régla ses dettes, laissant un mirifique pourboire. Il fallait bien dépenser l’argent du proc’...
Puis ce fut le rituel du bain.
Mais avant d’aller se coucher, elle prépara son sac. Se mit ensuite à griffonner quelques lignes sur une feuille blanche. Elle aurait dû pleurer en écrivant cela. Pourtant, elle ne pleurait pas. Parce que les larmes n’avaient plus de raison de couler. Elle plia la feuille en quatre, la glissa dans la poche de sa chemise.
Enfin, tout était prêt.
Cette nuit, elle ne dormirait peut-être pas. Écouterait la pluie. Et les trains, aussi. Elle demeura quelques instants sur le balcon. Entre les nuages épais, quelques étoiles scintillaient. Pour elle, sans doute. Elle tira la baie vitrée, regagna la pénombre de sa chambre.
Elle devina alors la silhouette, près de la porte. Son cœur s’emballa, un peu.
— Bonsoir, Marianne.
— Tu ne respectes pas les règles du jeu, Franck.
— Non, jamais...
Ils étaient chacun d’un côté de la pièce. Elle, dos à la fenêtre. Lui, dos à la porte.
Un doux frisson la parcourut de la tête aux pieds. Il était venu. Ici, à l’auberge. Il avait compris.
— J’étais à la gare, tout à l’heure, dit-elle.
— Moi aussi... Hier soir aussi... J’y étais chaque soir. Elle s’approcha. Il ne bougeait pas.
— Je pars demain matin, Franck.
— Non, Marianne... Tu ne pars pas.
Elle avança encore un peu. Plus qu’un mètre pour les séparer. Leurs yeux s’habituaient à l’obscurité. Ils se voyaient, comme en plein jour. À lui de faire un pas, maintenant.
— Je n’ai pas pu, avoua Franck. Tu m’as rendu la tâche encore plus dure, Marianne...
Demain, tu n’auras pas le choix,
Elle entendit sa respiration changer. Comprit qu’il pleurait. Lui qui ne pleurait jamais, avant. Ils étaient si proches, maintenant ; ils auraient pu se toucher.
— Pourquoi, Marianne ? Pourquoi tu ne t’es pas enfuie ? Elle posa un doigt sur sa bouche.
— Chut, ne dis rien... Écoute juste la pluie... Il n’y a rien de plus beau...
— Marianne... Tu... tu te souviens, un jour tu m’as dit... que j’allais apprendre à te connaître. À te connaître vraiment...
— Je m’en souviens, Franck.
— Moi, je t’ai répondu que je n’aurai pas le temps et que... c’était mieux ainsi parce que... tu ne gagnais pas à être connue. Je veux que tu saches que...
Il l’enlaça enfin, l’étreignit avec force.
— J’ai aimé te connaître, Marianne...
Un crépuscule de rêve.